jeudi 14 août 2014

"Jessie" de Stephen King


1993, 389 pages, Albin Michel, traduit par Mimi & Isabelle Perin




+ Captivant, psychologique, frisson garanti.
-  Longueur, manque d’action, provoque des insomnies.


Ma rencontre avec Jessie

En été, maman avait pour habitude de bouquiner dans sa chaise longue. Elle a très certainement joué un rôle clé dans la naissance de mon plaisir de lire. Mes premières lectures hors scolarité ont pourtant relevées de punitions. En effet, j'ai été contrainte et forcée de lire Maudits Sauvages de Clavel ou encore la Maison de Claudine de Colette pour n'avoir pas respecté je ne sais plus laquelle des consignes de Dieu ma mère. Pleurnichant, je lisais péniblement dans sa chaise à bascule pendant qu'elle regardait la télé de son lit. Après chaque session d'une heure ou deux, je devais lui faire un résumé.


Encore aujourd'hui, j'ignore pourquoi elle me punissait de la sorte et surtout comment cela a pu contribuer au développement de mon plaisir de lire. Peut-être est-ce mon esprit vengeur d'adolescente qui m'a conduite à sélectionner les livres de sa bibliothèque sans avoir à me voir imposer les titres. 

Quoi qu'il en soit, l'été 99, mon choix s'est arrêté sur Stephen King. Ma connaissance de l’auteur se limitait à savoir qu'il écrivait des histoires à vous donner la chair de poule. À 15 ans, j'étais portée sur tout ce qui me glaçait l'échine - va savoir pourquoi. La couverture de Jessie n'a par conséquent pas manqué d'attirer mon attention. 



Lecture


Le livre sous le bras, je quittais le domicile et me dirigeais vers un champ de maïs de Clavier Station derrière la cité. C'est là que je retrouvais Stephen King. J'aimais ces rendez-vous intimes avec Jessie, à huis-clos. À l'abri d'une interruption éventuelle, je dévorais l'ouvrage à la manière dont la protagoniste se voyait dévorée d'angoisse. 

Un jeu sexuel tourne mal et voilà Jessie menottée au lit d’une villa isolée du monde, le cadavre de son mari à ses côtés. La trame est construite autour de l’oppressante introspection de l’héroïne. Assaillie de pensées plus sordides les unes que les autres, Jessie frôle la folie et se demande bien si elle va pouvoir se libérer un jour.

J'ai partagé son calvaire insoutenable lorsqu’elle s’essaye à se déboîter le pouce afin de délivrer sa main.  Ma bouche a ressenti la sécheresse de la sienne lorsqu'elle tente désespérément d'atteindre ce fichu verre d'eau sur la table de nuit, pourtant bel et bien hors de portée. Le lecteur vibre au diapason de Jessie. Parfois, le malaise devenait tel que je devais interrompre ma lecture pour la digérer avant de la reprendre le lendemain. Je me souviens d’avoir lu certains passages funestes en tentant de détourner mon regard du livre avec de grands « argn », « ouch », « iiiii », « brrr »… Bref, j’ai bien accroché !
Toutefois, à la lecture de différents forums, il s’avère que Jessie n’est pas la lecture préférée des amateurs de Stephen King. Ils y voient notamment un rythme trop lent marqué par peu d’actions et de trop nombreuses descriptions. Personnellement, le suspens fort m’a tenu en haleine jusqu’à la fin. Les détails m’ont quant à eux menottée à ce lit et la qualité de la psychologie du personnage m’a enchaînée à sa terreur.

Il est des livres qui vous marquent à jamais et Jessie en est pour moi. Je ne suis pas prête d’oublier cette rencontre avec le maître de l’épouvante, King, que je vous relate 15 ans après d’ailleurs...

Extraits

[...]  Jessie entendait la porte de derrière battre doucement au gré de la brise d'octobre qui soufflait autour de la maison. Le chambranle jouait toujours un peu en automne, et il fallait tirer la porte d'un coup sec pour la fermer à fond. Cette fois-ci, ils avaient oublié. Elle faillit dire à Gerald d'y aller avant qu'ils ne soient trop occupés, sinon ce claquement la rendrait folle. Puis elle songea que ce serait stupide, vu les circonstances. Cela gâcherait l'ambiance. Quelle ambiance ? [...] 

[...] Elle éprouva alors dans le dos du poignet une sensation similaire à de l'électricité statique et la menotte grignota quelques millimètres vers le haut, s'arrêta, puis glissa vers le haut. Ce chaud picotement électrique se propagea, brûlure sourde encerclant sa main comme un bracelet, et dévora ses chairs avec l'avidité d'un bataillon de fourmis rouges. [...]