jeudi 9 janvier 2014

" Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire " de Jonas Jonasson

Édition Pocket (numéro 14857). Paru en 03/2012. Traduit du suédois par Caroline Berg.


L'histoire de ce centenaire en cavale s'avère un peu longue à la lecture & loin de la grande littérature. Malgré tout, le personnage atypique d'Allan Karlsson vaut le détour...

Ma rencontre avec Le vieux...


En quête d’énergie positive, direction la Fnac. La couverture m’a immanquablement attirée. Un vieillard droit et digne à l’allure déjantée dans un costume de cochon rose, dynamite en poche et indication de sortie de secours au-dessus de lui. Pas banal !

Je saisie l’ouvrage et en feuillette les premières pages. Le roman est introduit par ces quelques lignes :

Couverture originale
Mon grand père avait le don de captiver un auditoire. Je le revois assis sur son banc, légèrement appuyé sur sa canne, et le nez plein de tabac à priser. Et je nous entends encore, nous ses petits enfants, lui demander bouche bée:
"C'est vraiment vrai....dis....grand père ?- Ceux qui ne savent raconter que la vérité ne méritent pas qu'on les écoute", répondait notre grand père.Je lui dédie ce livre.



Cette épigraphe a d'emblée capté mon attention. Connaissez-vous le proverbe africain selon lequel un vieillard éteint revient à une bibliothèque brûlée ? Je l’aime beaucoup… À mon sens, la transmission intergénérationnelle fait partie des beaux cadeaux de la vie. Puis, avez-vous déjà observé briller les yeux d’un papy qui fouille ses souvenirs pour vous transmettre son histoire ? Comment ne pas souhaiter l'écouter. Sans oublier la philosophie et l’expérience que les aînés ont forcément développé puisqu’ils sont toujours des nôtres. 

En outre, je rejoins parfaitement les dires du grand-père de l'auteur sur le fait qu'un récit se doit d'être coloré. Quand il s’agit de conter une histoire ou relater un événement, je suis la première. Avec pour seul credo, le plaisir ! Plaisir de l’auditeur, plaisir de l’orateur, plaisir du partage. Échanger implique de donner son temps. Or, rien n’a plus de valeur en ce monde que l’instant présent. Il ne s’agit dés lors pas d’en user avec monotonie. Mes récits sont donc souvent hauts en couleur. Je nourris ainsi bon espoir d’assurer une écoute délectable, amusante, voire qui sait, inoubliable. Bref, bon moment garanti ! Même si c’est pour rire in petto de mon côté loufoque. 


Lecture

Points faibles

Ces 507 pages m'ont parues plutôt longues pour deux raisons. 

D'une part, le roman se construit sur une double narration. L'auteur alterne entre le présent où l'on suit les aventures rocambolesques d'Allan et le passé épique du centenaire. Les chapitres passent de l'un à l'autre jusqu'à se rejoindre en mai 2005, jour de l'évasion du fringant vieillard. À chaque fin de chapitre, le suspens est là. Malheureusement, il faut attendre deux chapitres plus loin pour avoir la suite. La narration s'en trouve coupée. Réglé comme une horloge, ce saut temporel m'a laissé un goût similaire à celui éprouvé suite au visionnage de certaines séries. Alors que le générique défile, agacée d'avoir été plantée de la sorte à la fin d'un épisode, je ne nourris qu'une très faible envie de poursuivre l'aventure. Conséquence pour la lecture de ce roman: je me lance dans le chapitre suivant sans excitation, un peu amer. Mon attention quant à elle, est toujours fixée sur l'histoire relatée dans les pages précédentes. Par contre, une fois les trois-quart du roman dépassé, cette sensation s'est dissipée.


D'autre part, le lecteur est embarqué dans la cavale du centenaire, qui est la raison d'être du roman. Or, la fuite du vieillard passe au second plan. La fantaisie imaginée par l'auteur concernant l'intervention du vieil artificier dans les événements du siècle prend en effet le dessus. En outre, les lignes entre la petite et la grande histoire sonnent parfois creuses à force de rebondissements saugrenus. J’ai même lu quelque passages en diagonale pour parvenir à la fin. Ce qui m’arrive très rarement. 


Points forts

Ce premier roman de Jonasson ne m'a donc pas tout à fait conquise. Je ne peux pas en dire autant du protagoniste qui, pour sa part, m'a littéralement séduite. Allan Karlsson apparaît comme un homme affable au flegme inégalable et à l'optimisme indéfectible. Je rejoins la critique de L'Express quant à la parallèle avec le film à succès de Robert Zemeckis. En effet, Allan rappelle sans nul doute Forest Gump, non pas qu'il soit naïf, mais en ce sens qu'il se laisse porter au gré des vicissitudes de la fortune. Au fil des pages, on découvre un centenaire étranger au courage puisqu'il ne connait pas la peur. J'ai été heureuse de découvrir une telle insouciance - inspirante pour une personne telle que moi victime d'angoisses développées au fur et à mesure du tic tac de la vie. 

J'ai aussi apprécié le bol d'air offert par le voyage spatio-temporel aux côtés d'Allan. Le lecteur devient nomade à travers le monde et le XXème siècle. En outre, l'auteur amène un point-de-vue décalé des grands événements historiques dans ce road-novel. 


Extraits

[...] Le centenaire s'assit sur l'un des bancs inoccupés, seul avec ses pensées. Cette satanée fête donnée en son honneur à la maison de retraite devait commencer à 15 heures c'est-à-dire dans douze minutes. Ils allaient frapper à sa porte d'une minute à l'autre, et alors ce serait la débandade ! Le héros de la fête rit sous cape, tout en remarquant du coin de l’œil que quelqu'un approchait. Il s'agissait du jeune homme dégingandé aux cheveux blonds longs et gras, à la barbe clairsemée et portant une veste en jean avec dans le dos l'inscription Never Again. L'individu marchait droit sur Allan, tirant derrière lui sa grosse valise montée sur quatre roulettes. Allan comprit qu'il y avait de fortes chances qu'il soit contraint d'échanger quelques mots avec le chevelu. Il se dit que ce n'était pas très grave : après tout il pourrait être intéressant de connaître les idées des jeunes d'aujourd'hui.La conversation eut bien lieu, encore qu'elle restât sommaire. Le jeune homme s'arrêta à quelques mètre d'Allan, sembla le jauger un moment, et lui dit :- Euh euh dis donc. Allan répondit aimablement que lui aussi souhaitait au jeune homme une agréable journée, et lui demanda s'il pouvait lui être utile à quelque chose. C'était bien ça. Le jeune homme souhaitait qu'Allan surveille sa valise pendant qu'il allait aux toilettes faire ce qu'il avait à y faire. Autrement dit :-Il faut que j'aille chier.Allan lui répondit gentiment qu'en dépit de son grand âge et de son apparente débilité il avait une excellent vue et qui'l ne lui paraissait pas insurmontable de surveiller son bagage un instant. En revanche il le priait de faire vite parce qu'il avait un car à prendre.Le jeune homme n'entendit pas cette dernière information : il avait mis le cap sur les toilettes avant qu'Allan ait eut le temps de finir sa phrase.Le centenaire n'était pas du style à s'énerver contre les gens pour un oui ou pour un non, et il ne fut pas particulièrement agacé par la grossièreté du jeune homme; Mais il ne ressentait pour lui aucune sympathie, et ce détail eut sans doute une certaine influence sur ce qui allait suivre.Le car 202 arriva devant l'entrée du terminal quelques secondes après que le jeune homme eut fermé la porte des toilettes derrière lui. Allan regarda le car puis la valise, puis le car, puis à nouveau la valise.Cette valise a des roulettes, se dit-il. Elle a aussi une poignées pour la tirer. Et Allan se surprit lui-même en prenant une décision lourde de conséquence, comme nous le constaterons par la suite.Le chauffeur se montra gentil et serviable. Il aida le vieil homme à charger sa grosse valise à bord du car. [...]


[...] Iouli Borisovitch & Allan Emmanuel avaient tout de suite sympathisé. Que quelqu'un puisse accepter de suivre un parfait inconnu sans savoir où, ni pourquoi on le lui demandait avait fortement impressionné Iouli Borisovitch parce que cela dénotait une insouciance dont lui-même était tout à fait dépourvu. Allan, de son côté, appréciait de discuter pour une fois avec un homme qui ne cherchait pas à lui inculquer ses idées politiques ou religieuses. [...] 


[...] Il dit avec modestie qu'il n'était pas difficile de se faire passer pour un idiot quand on l'était réellement. Allan n'était pas d'accord avec son ami, parce que tous les imbéciles qu'il avait rencontrés dans sa vie essayaient de se faire passer pour le contraire. [...] 


Liens intéressants




L'Express, le 13 août 2012


Version suédoise de Forrest Gump croisée avec l'irrévérence des Monty Python, Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire est un régal d'humour noir, un road-novel déjanté dont on attend maintenant avec gourmandise la prochaine adaptation à l'écran.